économie

BARRAGE D'IMBOULOU : UN COLOSSE DANS LES URGENCES

mar. 30 sept. 25

Après deux jours d’arrêt, la seule turbine fonctionnelle du barrage hydroélectrique d’Imboulou est de nouveau actif. Le rafistolage des techniciens a produit le miracle, mais des dangers multiples et multiformes menacent le complexe. Les techniciens, ouvriers et autres partenaires se débrouillent presque les mains vides. Il faut de la ressource, beaucoup d’argent et très vite, faute de quoi, le pire imposera sa loi.

Le mal du barrage hydroélectrique est profond et exige davantage de moyens aussi techniques, humains, matériels que financiers. Le pire qui a fait trembler le pays quand, en l’absence de la voix officielle d’Energie électrique du Congo (E2C) les ingénieurs de la rue ont annoncé via internet l’arrêt de la turbine N°1, la seule, mal en point certes mais qui miraculeusement est redevenue fonctionnelle grâce au génie des ingénieurs et autres techniciens d’E2C.

Une mission mixte conduite par Frédérick Manienze, le directeur du cabinet du ministre de l’énergie et de l’hydraulique comprenant entre autres la présidente du conseil d’administration d’E2C Lydie Oboa, le député Marien Mobondzo Endzonga vice-président de la commission économie et finance de l’Assemblée nationale, le directeur général adjoint de la société Energie électrique du Congo Just Roger Gandou est descendu sur le terrain, le 29 septembre 2025.

Outre le briefing des techniciens, partenaires et autres prestataires dans une salle de réunions, la mission a pu s’enquérir de la situation technico opérationnelle du complexe, dans le moindre détail, surtout dans l’atelier de réparation et d’adaptation des pièces, dans la salle abritant les quatre turbines et autres dispositifs technico opérationnels. Elle s’est étonnée du cratère en pleine cour et l’affaissement des berges de la rivière et apprécié les réparations en cours. A la cité ouvrière elle a relevé que l’hôtel qui hébergera les techniciens chinois chargés de l’expertise du groupe démonté est en réfaction.

PRESQU’UN CIMETIERE D’ELEPHANTS

Quinze ans après sa mise en service, le complexe hydroélectrique d’Imboulou en attente de la révision générale s’apparente à un cimetière d’éléphants. Dans l’atelier de réparation, de remodelage et de réadaptation des pièces, des noirceurs des coulées des eaux pluviales de la toiture ont remplacé la blanche peinture sur certains murs. Dans la salle qui loge les quatre turbines, le visiteur est accueilli par la turbine N°2 de 120 tonnes et de son alternateur, démontés depuis 2024 par le partenaire FOMICO ; du gros trou où étaient emboités ces deux composantes quand le colosse fonctionnait. L’attention est aussi attirée par une peinture blanche moisie et lézardée par endroits du complexe. On voit, que le cratère au milieu de la cour est encerclé par des sacs de sable question d’alerter qu’il y a un danger ici. Un peu plus loin, des ouvriers et ingénieurs de la société AITPC luttent pour stabiliser la structure du béton affaissée l’infiltration des eaux après la détérioration des joints entre dalles. Ici au moins, le danger semble écarté via la construction des digues. A la cité d’exploitation, une dizaine de chambres sont réhabilitées, mais la réfection et le rééquipement se poursuivent.

ET LES TURBINES ?

Seule la turbine qui fonctionne sans garantie, selon les techniciens est le groupe N°1. La deuxième démontée par FOMICO attend l’expertise de Harbin Electric, le fabricant chinois qui déterminera les pièces avariées, les commandera, les remontera avant de réinstaller la turbine.

La troisième et la quatrième turbines à l’arrêt, attendent la révision et les réparations usuelles. Sur 120 mégawatts attendus, seuls 30 sont produits, sans garantie de pérennité par la turbine I. Il faut de l’argent, beaucoup d’argent, pour aller vite et bien aux fins de remettre les quatre moteurs en fonction pour que Imboulou produise la capacité d’électricité estimée à sa mise en service, comprend-on des explications de chacun des acteurs.

« Concernant le démontage de turbine, nous avons comme priorité de travailler avec le constructeur, Harbin qui va venir très prochainement ici pour…faire des contrôles d'abord des équipements…ensuite faire le remontage…Il y a des pièces d'usure à changer et à réparer », explique Hakim Boureghda, le directeur commercial et logistique de FOMICO.

Le travail consiste à « faire un contrôle de la situation des équipements en panne…Après l'intervention du fabricant, on pourra agir plus rapidement...L'intervention du fabricant peut prendre 20 jours…Une fois le contrôle sera fini, on pourra procéder à l'achat des pièces et au remontage de cette turbine…Chaque étape doit être respectée ».

LA CRAINTE CÔTOIE L’ESPERANCE

Le respect des étapes, insiste le partenaire est de mise. « Si on brûle des étapes, ça peut même empirer. On doit vraiment respecter les étapes techniques, chaque intervenant à sa fonction. Nous FOMICO, avons fait le démontage. Aujourd'hui, c'est le contrôle. Le contrôle, est du ressort du fabricant. C’est lui qui pourra nous indiquera les pièces à changer. Ensuite, on pourra remonter » la turbine I, fait savoir Hakim Boureghda.

L’espoir vient d’Energie électrique du Congo (E2C) par l’entremise de Itoua Ibara Mbimbi, le directeur de la production et du transport. Dans les jours à venir, rassure-t-il, « nous allons procéder à la remise en état du groupe numéro 4 et ensuite le groupe numéro 3 puisque ce sont les deux groupes qui sont pour l'instant immobilisés pour ces questions d'accessoires. La turbine, l'alternateur, les pièces majeures sont en bon état. Ce sont les auxiliaires qui sont donc des pièces de rechange dont nous n'avons pas en stock et les commandes ont été passées. Elles vont être livrées dans les jours à venir. Ce qui nous permettra de remettre au moins les trois turbines en service en attendant la réhabilitation complète du groupe numéro 2 qui, lui, est dans une situation plus critique », annonce-t-il.

L’ARGENT, LE VRAI NERF

Si le personnel d’E2C n'était pas aguerri, la centrale serait complètement arrêtée, alerte Itoua Ibara Mbimbi qui explique, « avec les moyens de bord, nous essayons de faire de notre mieux et les pièces que nous commandons viennent de l'étranger, donc il y a des délais de fabrication ». Mais le vrai problème, c’est l’argent.

« Les problèmes liés à la trésorerie nous échappent…Les pièces sont souvent perforées, pour parler des réfrigérateurs, nos équipes sur le terrain font des pieds et des mains pour rattraper quelques-unes. Ce qui a permis de remettre en service le groupe I. Et dans les jours à venir, le groupe numéro 4 sera remis en service, en attendant bien sûr le groupe numéro 3 qui lui attend plutôt une commande de pièces », explique-t-il.

Au ministère, on reconnait que des plans de maintenance sont contrariés par le manque d’argent. « Dans la faisabilité aujourd'hui…ils posent un problème des tensions des trésoreries…Nous devons voir comment est-ce qu'on peut les appuyer dans un premier temps, pour qu'à l'avenir, ils puissent voler par eux-mêmes », dit l’inspecteur général de services de l'énergie, de l'hydraulique et de l'assainissement, Hervé Léonard Obambi Mouana Mhoreau.

E2C DOIT FAIRE L’EFFORT, L’ETAT DOIT PAYER

C’est ainsi qu’on peut comprendre et interpréter ce qu’aura dit le député Marien Mobondzo. « En fait, c'est déjà bien que nous ayons constaté la situation avant le débat sur le budget qui va s'ouvrir à partir du 15 octobre. Mais il faut déjà aussi savoir qu’E2C, en tant qu'exploitant, doit aussi faire un effort pour qu'au moins, si ce n'est pas la révision générale qui doit être attendue, il y a un effort particulier de l'État, mais au moins la fonctionnalité, le caractère opérationnel soit suivi », relève le vice-président de la commission économie et finance de l’Assemblée nationale.

Il adresse, en attendant, une invite à l’Etat, de payer sa consommation d’électricité. « Il y a aussi le fait que l'État doit assumer ses factures, ses factures d'électricité qui sont dues à E2C et qui peuvent permettre, bien entendu aussi, à E2C de procéder à ces opérations. Nous n'avons peut-être pas déjà délibéré sur le budget à venir, mais ceci nous aidera. Cette visite nous aidera, parce que nous avons touché du poil dans cette histoire ».

Autant d’avis et d’observations, de projections et de constats, de craintes et d’espérances qui dénotent de la situation critique du complexe hydroélectrique d’Imboulou. Plus proche de l’effondrement que du relèvement, si on s’accroche à la réalité physique et à la crise de trésorerie.

Imboulou doit être inscrit en gras, parmi les priorités et chaque acteur doit jouer franc jeu, si on veut vraiment sauver le plus grand barrage hydroélectrique jamais construit en République du Congo.

BRAZZA NET à Imboulou : +242 06 662 88 75, ebdimix@gmail.com